Conception et programme Jacques Serrano - Rencontres Place Publique
Vivons curieux ! L’art a son Pop, la musique aussi : voici la pop philosophie qui mêle pensée de haut vol et culture pop. Ce festival d’un nouveau genre connaît, depuis sa création en 2009 par Jacques Serrano, une reconnaissance internationale.
Soirée Inaugurale
19h - Philosopher ou faire l’amour Ruwen Ogien (philosophe) suivi d’un échange avec Robert Maggiori (journaliste et philosophe) Sous l’influence des moralistes du XVII e siècle, des naturalistes et des féministes, la philosophie de l’amour était devenue une sorte d’école du scepticisme. Disséquer philosophiquement l’amour revenait à dévoiler son enracinement dans la vanité humaine, son caractère de « ruse de la nature » et son rôle majeur dans l’assujettissement des femmes. Depuis quelque temps, ce scepticisme est passé de mode. Certains philosophes, pas les moins connus, semblent avoir retrouvé les vertus de l’amour et se concurrencent pour le glorifier. À travers l’éloge de l’amour ce qu’ils semblent exprimer, c’est leur rejet de l’individualisme moderne et de son expression : le consommateur compulsif, avide de satisfactions immédiates. Il faud rait, d’après eux, retrouver ce qui peut faire « lien » avec les autres, revaloriser les mouvements de l’âme « désintéressés », renforcer ce qui pourrait remettre dans le cœur des citoyens le goût des belles choses, de la constance, de la durée, de la fidé lité. De tous ces points de vue, l’amour semble être un remède idéal. Ce discours édifiant n’est pas indéfendable. Mais il peut nous nous empêcher de voir que l’amour est parfaitement concevable en dehors de tout asservissement à l’idée du couple fidèle, obstiné, durable : c’est un discours fermé aux innovations normatives. Par ailleurs, ces éloges de l’amour sont clairement puritains. Ils servent à contester la conception moderne de la liberté sexuelle. Pour ces deux raisons, il s’agit, à mon avis, de discours qui participent de l’hégémonie des idées conservatrices dans la pensée la plus contemporaine.
20h – Sans foi ni loi : amour, amitié, séduction Monique Canto-Sperber (philosophe) suivi d’un échange avec Léa Iribarnegaray (journaliste) L’objet de l’amour est-il unique? L’amour, la séduction, l’amitié sont des termes qui capturent sous des noms communs les multiples formes sous lesquelles les êtres humains se lient les uns aux autres. L’analyse de ces liens conduit à s’interroger sur la façon dont fonctionnent les normes qui semblent leur être immanentes et les projettent au-delà de la réalité présente d’une relation. Dans cette perspective, l’étude du sentiment amoureux prend un relief particulier, car ce sentiment présente de nombreux traits caractéristiques qui semblent lui appartenir en propre. L’un des traits les plus intéressants consiste en la relation du sentiment amoureux à l’objet d’amour dans la mesure où cet objet semble devoir être fortement individualisé non seulement par des qualités particulières (physiques et mentales), mais aussi par une identité numérique stricte. Cette caractéristique qui se retrouve, semble-t-il, dans les sentiments qui prétendent à l’exclusivité, en particulier l’amour, se laisserait résumer par la formule «parce que c’était lui, parce que c’était elle». Or pareille explication de la présence du sentiment amoureux à quelque chose d’énigmatique. Comment l’analyser? C’est à cette tâche que s’essaiera la présentation proposée. Monique Canto-Sperber est directrice de recherche au CNRS, responsable de l’équipe « Philosophie morale et normative » au sein de l’USR République des savoirs (ENS, CdF). Elle a été directrice de l’École normale supérieure (2005-2012) et présidente de l’Idex Paris Sciences et Lettres jusqu’en 2014. Spécialiste de philosophie ancienne et de philosophie morale et politique, elle a publié et dirigé de nombreux ouvrages dont Le Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, Les Règles de la liberté, Sans foi ni loi.